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Ça fait un moment que je n’ai rien publié sur ce blog. Presqu’un an !
Au-delà du manque de temps, je crois aux vertus du silence.
J’y crois fortement, intensément.
Et, une fois ces préalables remplis, écrire lorsque l’envie revient.
Je vais donc me hasarder à livrer ici un retour d’expérience à travers quelques articles que je rédigerai au fil de la plume, librement et sans plan préconçu ; la forme fragmentaire me convient bien.
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Un changement majeur est toujours précédé par une phase de maturation. Plus ou moins consciente, plus ou moins longue.
Dans mon cas, ce fut plutôt une lente infusion. Un sentiment de décalage durable et croissant. D’enfermement dans des dimensions professionnelles de plus en plus réduites.
Mais tourner la page après 13 ans de vie professionnelle s’apparente aussi à une forme de mort symbolique dont on ne prend pas nécessairement tout de suite la mesure.
Les premiers éléments de réponse ne peuvent venir qu’après un décalage dans le temps. C’est seulement quand cesse enfin la litanie obsédante des problèmes à résoudre que la chouette de Minerve prend son envol.
D’abord les semaines solitaires d’hiver passées à préparer l’épreuve de déontologie – près de 900 pages au style rédactionnel touffu à lire et à synthétiser ! Les délais d’attente puis la prestation de serment qui marque le changement d’état. C’est en plaidant pour la première fois, que je me suis vraiment senti avocat. C’était en correctionnelle, à des centaines de kilomètres du cabinet. Costume d’apparat au moment de prêter serment, la robe s’est transformée en tenue de combat.
Combien de fois, en tant qu’inspecteur du travail, ai-je été contraint de réfréner mes mots ? Que ce soit lors d’interventions au Tribunal – la correctionnelle, déjà, scène judiciaire qui m’est la plus familière – ou en interne, au sein de ma propre administration ? Combien de batailles non menées jusqu’au bout ou alors mal engagées, derrière un collectif de façade ; mosaïque illusoire de positions individuelles divergentes qui se révéleront sous la lumière aveuglante de la défaite ? Combien d’aiguillons, de doutes, d’interrogations ? Sur les perspectives qui sont les miennes, sur l’utilité de compétences acquises au prix d’efforts souvent obstinés, souvent solitaires ? Combien de mèches pour allumer le brasier où il me faudrait m’immoler pour espérer renaître ?
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La préparation est longue ; le passage est brutal. Dans sa réalisation, cette métamorphose voulue, calculée, échafaudée, s’est révélée comme un élixir qui m’aurait ramené … 13 ans en arrière, recréant – à partir des débris de la routine brisée – la fébrilité de mes débuts à l’inspection du travail. Tenir la barre, même d’une embarcation modeste, signifie aussi gérer davantage de contraintes. Tout en étant, paradoxalement, plus libre que sur un gros navire où les rôles sont distribués selon une logique opaque et mouvante, au gré des réformes et des humeurs des « chefs ». Mais cela n’équivaut pas pour autant à repartir de zéro. Si je vogue en réalité, en grande partie, à travers les mêmes eaux que celles qui me portent depuis longtemps, je peux aussi prendre le risque de m’aventurer, ponctuellement, sur d’autres territoires.
Ce sont là des voyages que je n’avais même pas imaginés puisque, dans mon esprit, je ne devais faire que du droit du travail. Un malentendu à propos d’une sollicitation pour une « affaire sociale » et me voila lancé dans l’étude des délits d’abus de confiance et d’escroquerie. Non sans appréhension : j’ai failli refuser la mission lorsque j’ai compris qu’elle n’avait aucun lien avec le Code du travail.
Là encore, c’était loin de chez moi. Par delà la distance, par delà les différences culturelles, un lien s’est créé. Justement parce que c’était du pénal et aussi, je pense, parce qu’il y avait un combat de fond à mener pour contribuer à l’émergence d’une autre vérité.
Les cafés furent des lieux de rencontre privilégiés. Ecouter, poser et reposer mes questions. Travailler dans l’intervalle sur le dossier, décortiquer des factures, croiser les informations. Enfin, lors d’un de nos derniers rendez-vous, j’ai échangé plus librement avec ma jeune cliente. Il ne s’agissait plus de faire du droit ou d’analyser les faits. Non, l’objectif était de la comprendre elle – son parcours et ce qu’elle a bien voulu me livrer de sa vie, ce qui est très différent – et c’est comme ça que m’est venu le goût de la défense.
La pertinence de la prestation « technique » de l’avocat conditionne bien sûr celle de la stratégie adoptée. Mais c’est cette conversation qui a inspiré le ton et la forme de ma plaidoirie. Ou, pour le dire autrement : la rigueur juridique détermine le paysage d’ensemble, les aspects humains apportent la couleur, le temps, la lumière. En un mot, tout ce qui donne vie à ce paysage.
Voilà pourquoi j’aime la défense pénale.
christiane Lenfant a dit:
Merci pour cette « résurgence » attendue ….
Elka ancienne inspectrice du travail puis directrice départementale qui a aussi pris des chemins de traverse et découvert d’autres combats à mener pour que soient rétablis dans leurs droits ceux qui sont parfois « broyés » par un système qui s’emballe….et ne trouvent plus ni l’écoute ni le conseil auprès des administrations censées les aider, trop occupées qu’elles sont à faire des reporting et tableaux de bord ou à chercher un sens à leur action.
thotmania a dit:
C’est exactement ça… vous avez résumé l’essentiel en quelques mots. Merci pour votre commentaire.
mafalda a dit:
Tout simplement merci de vous revoir !!! La représentation du phénix reflète à juste titre votre engagement , renaître à chaque instant et combattre justement ………..
Isabelle a dit:
Heureuse de vous lire à nouveau. Le feu, la mer, la peinture, des thèmes qui me sont chers pour exprimer le ressenti de certains combats. Je ne peux que vous souhaiter encore le souffle du vent le plus favorable qui soit. Et puis l’écriture qui apporte l’apaisement, la lumière, la force aussi.
fred a dit:
C’est pas donné aux animaux, pas non plus au premier blaireau
Mais quand ça vous colle à la peau, putain qu’est-ce que ça vous tient chaud
Écrire et faire vivre les mots, sur la feuille et son blanc manteau
Ça vous rend libre comme l’oiseau, ça vous libère de tout les mots,
Ça vous libère de tous les maux