Pour changer un peu de registre avant que je trouve le temps et l’énergie de terminer les « gros » sujets que j’ai entamés (avec, notamment, la troisième partie « d’itinéraire d’un inspecteur du travail »), un petit inventaire à la Prévert de ce qui me plaît et me déplaît dans mon métier.
Je vous le livre un peu comme il m’est venu, donc avec ma subjectivité et sans souci de hiérarchisation. Tout n’est bien sûr pas à prendre au premier degré, mais l’exercice est moins superficiel qu’il n’y paraît !
– Quand les contrôleurs m’emmènent dans les petites boîtes
– Les syndicalistes qui osent aller devant les tribunaux
– La jurisprudence
– Arriver à peser sur le contenu d’un plan de sauvegarde de l’emploi
– Quand on me sollicite sur des sujets pointus
– Les enquêtes un peu fouillées
– Les collègues qui me font partager leurs expériences
– Que les gens se sentent mieux en sortant de mon bureau
– Les contrôles où on s’explique posément et sans détours
– Mon indépendance
– Terminer une enquête en réunissant toutes les parties autour d’une table
– Les Procureurs qui s’intéressent au droit du travail
***
– Les réunions de service
– Les syndicalistes qui racontent partout que je ne fais rien
– Les grilles de contrôle
– Servir d’alibi en cas de plan social ou de grève
– Qu’on m’appelle pour calculer une indemnité de licenciement
– Les lettres d’obs. qui ressemblent à un copier-coller du Code du travail
– Les collègues qui croient que le monde du travail se limite à l’industrie
– Que les gens sortent de mon bureau en ayant l’impression de n’être pas plus avancés
– « Vous avez rendez-vous ?! » en guise de phrase d’accueil
– Le management par objectifs
– Être instrumentalisé
– Les Procureurs qui n’assument pas leurs classements sans suites
… A bientôt pour développer certains points 🙂
Rosmeur a dit:
Bonsoir,
à présent que vos services sont intégrés dans les DIRECCTE, sorte de « guichet unique des entreprises », comment voyez vous l’avenir de l’Inspection du Travail sur 5 ou 10 ans ?
Par ailleurs, le rapport au BIT 2009 sur l’activité de l’Inspection du travail en France fait apparaître 2% d’infractions relevées par Procès verbal sur les centaines de milliers d’infractions constatées.
Ne pensez vous pas qu’en laissant filer le terrain pénal, l’Inspection du Travail risque se priver de son bras armé ?
Si l’on pouvait répartir sur une carte de France les procédures pénales dressées par l’Inspection, on découvrirait des disparités énormes et par conséquent une inégalité de traitement des salariés ( accessoirement des entreprises …) et de leurs conditions de travail.
Je ne pense pas qu’il peut s’agir seulement d’une question de moyens.
Cordialement
thotmania a dit:
Bonjour,
Concrètement, mises à part des questions d’intendance et de locaux, la création des DIRECCTE n’a pas changé grand-chose à nos conditions de travail (je parle pour ma région). Il ne suffit pas de juxtaposer des services ayant des façons de travailler et des finalités différentes pour créer des synergies…
Quant à l’inspection du travail à l’horizon 2017-2022, il est évidemment difficile de se projeter – d’autant que les réformes sont incessantes depuis des années, sans que les résultats attendus ne soient nécessairement au rendez-vous –, mais je pense qu’on risque d’aller vers une part de travail prescrit plus importante, dans lignée du management par objectifs, ainsi que vers un renforcement de la hiérarchie sous prétexte d’animation des services. Le cadre traditionnel de la section d’inspection du travail (un inspecteur chef de service + 2 contrôleurs) pourrait aussi être remis en cause.
Concernant les disparités en matière de suites pénales, il s’agit en effet d’une réalité. S’il est parfois difficile de trouver le temps de rédiger des PV quand on saute sans cesse du coq à l’âne pour essayer de répondre à ce qui paraît urgent, le faible taux de verbalisation relève d’une problématique globale : par exemple on ne peut pas faire l’impasse sur les aléas du suivi judiciaire (longueur des procédures, nombre important de PV pour lesquels on n’a jamais de retour etc), sur les obstacles tenant à la réglementation elle-même ou encore sur la nécessité d’améliorer notre technicité dans certaines matières…
Lacordaire a dit:
Entièrement d’accord avec la réponse!
Cependant, il convient de préciser que l’activité pénale de l’IT n’a pas été vraiment une priorité pour les ministres du travail de droite comme de gauche.
Je dois dire que cela est particulièrement vrai durant le règne de Martine A!
Aucune instruction précise pour fixer…des objectifs…à l’encadrement visant à souligner la nécessité d’un soutien et appui des agents de contrôle, notamment les débutants, dans le cadre de l’action pénale de l’IT…ne parlons même pas de la formation initiale des agents de contrôle où l’action pénale occupe encore qu’une à deux semaines !
Par ailleurs, l’établissement d’une véritable politique pénale et la nécessité d’entretenir des relations étroites avec le parquet est tout simplement, on peut dire négligemment, confiée aux directeurs départementaux ! Cela va de soit que ce sujet n’a jamais été prioritaire pour ces directeurs qui « géraient » des milliers d’euros d’aides publiques destinées aux politiques Emploi »
Le résultat est là quelques années plus tard : L’agent verbalisateur jadis stigmatisé avec des formules « PV …ben c’est une preuve d’échec »; « vous n’arrêtait pas de rédiger des petits PV », ….quad à la relecture par les IT pour les Contrôleurs et les directeurs adjoints pour les IT…On a perdu de vue le sens de cette relecture…..on déplace les virgules, on corrige en rouge des fautes d’accord ou d’orthographe….sans parfois aborder le fond et le droit….
A tout cela vous ajouter les classements sans suites du parquet…débordé par ailleurs ; le temps consacré à des « groupes de travail », à mettre sous enveloppe les courriers et décisions en absence de secrétaire….perdre un temps précieux à saisir ses suites de visites dans un logiciel inadapté…la nécessité de répondre à la demande sociale ; la nécessité de se mettre à la page constamment sur le plan juridique, s’adapter à la recodification du Code du Travail….Voilà !
Je suis désolé c’est un peu long et décousu mais le quotidien d’une section d’IT est parfois …usant ! Alors si vous n’avez pas l’appui de la hiérarchie et le soutien de l’institution judiciaire….ça donne 2 à 4 % de PV !
Rosmeur a dit:
Bonsoir,
Je partage votre analyse…mais elle est en creux.
Une caractéristique des agents de l’Inspection est qu’ils ont mauvaise conscience ( de ne pas en faire assez, de n’être pas allé jusqu’au bout, de ne pas avoir répondu à l’attente du ou des salariés…).
Les Contrôleurs et Inspecteurs se justifient et expliquent beaucoup trop ce qu’ils ne peuvent pas faire et pourquoi. C’est une des raisons de leur mal être.
Le corps de l’Inspection du travail, petit en nombre mais « prestigieux », ne devrait pas attendre qu’on lui dicte d’en haut ce qu’il doit faire sur le terrain et comment il doit le faire.
Il devrait être capable de sortir de son individualisme, de monter des actions coordonnées locales à partir d’un diagnostic des problématiques territoriales, de l’expliquer aux partenaires sociaux et aux Parquets pour ce qui concerne le volet stratégie pénale, et, à partir de là, d’imposer ses priorités.
Dans le même temps, l’Inspection devrait pouvoir continuer à décortiquer et s’adapter au quotidien à l’évolution très rapide du monde du travail, aux stratégies patronales sophistiquées les plus perverses.
Il lui faut pour celà du temps et une grande liberté d’action dans le choix des cibles.
C’est celà me semble-t-il la véritable « indépendance ».
Cordialement
thotmania a dit:
Merci pour ce commentaire qui complète bien ma réponse en expliquant ce qu’est le quotidien d’un inspecteur du travail !
Au plaisir de vous lire à nouveau.